Quelles sont les clauses du contrat d’édition auxquelles tu dois être attentif quand tu signes chez un éditeur ? Comment t’assurer que l’engagement que tu veux prendre ne te lèse pas ? Cet article te fournit des pistes pour comprendre tes droits et t’apprendre à discerner ce qui est légal de ce qui ne l’est pas. Surtout, tu auras des clés pour mieux négocier ta future relation contractuelle avec ta maison d’édition.
La clause de droit de préférence
La clause de droit de préférence t’engage à présenter tes futurs manuscrits en priorité à ton éditeur. Ce n’est qu’en cas de refus de sa part que tu pourras les proposer à une autre maison d’édition. Tous les contrats ne prévoient pas une telle clause. C’est une option (tu peux donc tout à fait négocier son retrait).
Pour être conforme à la loi, la clause de préférence doit répondre aux conditions suivantes :
- elle ne peut être insérée que dans le contrat d’édition d’un premier roman ;
- elle doit prévoir les genres littéraires concernés ;
- elle doit être limitée à cinq nouveaux romans ou ne s’appliquer que pendant cinq ans à compter de la signature du contrat (c’est l’un ou l’autre, pas les deux à la fois).
Exemples de clauses de préférence
➡️ Exemple n°1 : Une clause de préférence figure dans le contrat d’édition de ton premier roman, qui relève du genre de la fantasy. Elle prévoit que tu dois présenter tes cinq prochains manuscrits de fantasy, de fantastique et de science-fiction à ta maison d’édition. En cas de refus de sa part, tu pourras les proposer à d’autres éditeurs. (Petite précision : c’est cinq manuscrits au total, pas cinq manuscrits par genre.)
➡️ Exemple n°2 : Une clause de préférence est insérée dans le contrat d’édition de ton premier manuscrit, qui relève du genre de la romance. Elle prévoit que, pendant cinq ans à compter de la signature, tu dois présenter tes prochaines romances en priorité à ton éditeur. S’il refuse, tu pourras alors les soumettre à d’autres maisons d’édition.
Pourquoi faire attention à la clause de préférence ?
Comprends bien que la clause de droit de préférence n’est pas abusive (malgré ce qu’on voit très souvent sur les réseaux sociaux ou sur Google). Elle est prévue par l’article L.132-4 du Code de la propriété intellectuelle.
Si une telle clause est licite, pourquoi donc dois-tu y faire attention ?
D’abord, parce que tu peux ne pas être à l’aise avec son principe. Pour ta liberté artistique et pour des raisons de choix de carrière, tu peux vouloir demander son retrait.
Ensuite, sa rédaction peut te léser. Dans ce cas (et dans ce cas uniquement), elle est abusive, parce qu’elle ne respecte pas les conditions prévues par la loi.
C’est ainsi que, dans certains contrats, la soi-disant clause de préférence t’oblige à présenter ton prochain manuscrit à ton éditeur. Elle ne précise rien d’autre : pas de durée, pas de nombre d’œuvres, pas de genre défini. Surtout, si tu retrouves cette clause dans tous les nouveaux contrats que tu signes, tu es lié pour toujours à ta maison d’édition.
Ça s’appelle un engagement perpétuel, rendu illégal par l’article 1210 du Code civil. Ça s’apparente également à une cession globale de tes futurs manuscrits, elle aussi prohibée par l’article L.131-1 du Code de la propriété intellectuelle.
La clause de non-concurrence
La clause de non-concurrence n’est pas abusive par principe. Elle répond à certaines conditions :
- elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de ta maison d’édition ;
- elle doit être limitée dans le temps et dans l’espace ;
- elle doit préciser le genre des œuvres concernées.
Toutefois, une telle clause rentre en contradiction totale avec un principe fondamental : celui de ta liberté de création. En vertu de ce principe, tu peux écrire une histoire sur des thèmes abordés dans des manuscrits dont tu as déjà cédé les droits.
Donc, bien qu’en pratique, certains contrats d’édition prévoient une clause de non-concurrence, les tribunaux la jugent facilement illicite.
➡️ Exemple : « Une clause d’un contrat d’édition interdisant de publier un ouvrage dans la même matière chez un autre éditeur s’analyse comme une clause de non-concurrence illicite ».
⚠️ Attention : tu ne dois pas confondre la clause de non-concurrence avec la garantie d’exclusivité. Tu ne peux donc pas céder à un autre éditeur les droits que tu as déjà cédés à ta maison d’édition. Dans le même ordre d’idée, tu ne peux pas autoplagier un manuscrit sous contrat.
La clause de cession de droits d’auteur
Le contrat d’édition est basé sur la cession de tes droits d’auteur à ton éditeur. Cela lui permet d’exploiter au mieux ton œuvre. Cependant, tout comme la clause de préférence et la clause de non-concurrence, la cession doit répondre à certains critères pour être licite. Ainsi, ton contrat doit préciser :
- le manuscrit concerné par la cession ;
- les droits cédés : exploitation, traduction, représentation, reproduction ;
- l’étendue et la destination de l’exploitation : la clause doit donc préciser le nombre d’exemplaires et de diffusions, ainsi que la manière dont ton manuscrit va être exploité ;
- le lieu de l’exploitation ;
- la durée de l’exploitation.
Ainsi, si la clause ne prévoit pas tous ces éléments, elle est nulle. Autrement dit, la cession n’est pas valide (et tu peux le revendiquer auprès de ta maison d’édition, puis, si cela est nécessaire, devant un tribunal).
Voilà pourquoi tu dois faire bien attention à la lecture de cette clause. Tu dois t’assurer que chacun des éléments énumérés ci-dessus y figure.
Le contrat d’édition ne peut donc en aucun cas prévoir une cession de tous tes droits, sans les détailler. La Cour de cassation, qui est l’une des juridictions françaises ayant le plus d’autorité, considère que ces cessions « tout en un » sont inopérantes, car leur portée est trop générale.
De la même manière, et comme déjà précisé plus haut, la cession ne peut en aucun cas s’étendre à tes futurs manuscrits.
En outre, la cession de tes droits d’adaptation audiovisuels doit être prévue dans un contrat distinct.
Enfin, attention à la durée de la cession. De nombreux contrats d’édition prévoient qu’elle peut aller jusqu’à soixante-dix ans après ton décès. Tu en conviendras : c’est excessivement long. Pourtant, cela correspond à la durée légale de protection des droits d’auteur.
Pour autant, aucune disposition du Code de la propriété intellectuelle ne rend cette durée de cession obligatoire. Ce qui veut donc dire que tu peux la négocier. Ainsi, dans son modèle de contrat d’édition équitable, La Ligue des Auteurs Professionnels préconise une durée de dix ans maximum.
La clause conditionnant l’édition du roman à un paiement
Lorsque tu signes un contrat d’édition, tu cèdes à ton éditeur le droit d’exploiter ton manuscrit (et potentiellement d’autres droits, en fonction des négociations). C’est lui qui en prend la responsabilité financière.
Tu ne dois donc débourser aucune somme d’argent. Tu n’as pas à payer les frais de correction et de couverture, par exemple. Si une clause de paiement est insérée dans ton contrat, je suis au regret de t’annoncer que tu n’as pas signé avec une maison d’édition, mais avec un prestataire de service.
De la même manière, une clause ne peut pas stipuler que ton livre sera édité à condition que l’éditeur reçoive un certain nombre de souscriptions. Cela contrevient à son obligation de fabriquer, publier et diffuser ton œuvre.
Retiens donc ceci : une clause qui conditionne l’édition de ton roman à un paiement, que ce soit de ta part ou de celle de contributeurs, n’a rien à faire dans le contrat.
La clause de rémunération
Ton éditeur a l’obligation de te payer et le contrat d’édition doit prévoir une clause de rémunération. Par principe, cette rémunération est proportionnelle au prix public hors taxes (PPHT). Il n’existe aucun taux défini par les textes légaux. Tu dois donc négocier le pourcentage que tu touches sur ton livre.
Toutefois, si ton contrat prévoit moins de 8 % de droits d’auteur par exemplaire papier, ça frôle l’irrespect. En ce qui concerne la vente de livres numériques, le pourcentage peut être différent. Généralement, il est plus élevé que pour le roman papier.
En revanche, si la clause de rémunération précise que tu ne percevras ni à-valoir ni droits d’auteur avant un certain nombre de ventes : c’est illégal.
Les autres clauses du contrat d’édition
La clause de modification du manuscrit
Les modifications font partie intégrante du travail éditorial et sont donc prévues par le contrat.
Toutefois, si la clause stipule que ton éditeur peut modifier ton manuscrit sans ton consentement, il dépasse les limites et viole ton droit moral.
La clause de rupture du contrat d’édition
Il est important qu’un contrat d’édition comprenne une clause aménageant ses modalités de rupture.
Si la clause autorise ton éditeur à rompre le contrat sans te demander ton avis, sans justification et à son bon vouloir, il y a un déséquilibre évident.
À retenir :
- la clause de préférence n’est pas abusive. Elle le devient lorsqu’elle ne respecte pas les critères définis par la loi. Dans tous les cas, tu peux demander son retrait, car elle n’est pas obligatoire.
- La clause de non-concurrence peut être licite dans un contrat d’édition, mais c’est une entrave à ta liberté de création.
- La clause de cession de droits répond à des critères définis par la loi qui, s’ils ne sont pas respectés, rendent la cession invalide.
- Une clause qui conditionne l’édition de ton livre à un paiement n’a pas sa place dans un contrat d’édition.
- Ton contrat doit prévoir une rémunération, qui t’est due dès le premier exemplaire vendu.
- Ta maison d’édition n’a pas le droit de modifier ton manuscrit sans ton accord. Elle n’a pas non plus le droit de rompre le contrat d’édition de manière unilatérale.
Si tu as besoin d’aide pour décrypter ton contrat d’édition, réserve ton appel découverte gratuit d’une demi-heure. Ce sera l’occasion pour toi de me présenter ta situation. Nous pourrons ensuite définir ensemble tes besoins.